Photo Credit: Peter Marshall

“La chance d’un enfant se mesure à son accès à l’eau : boire de l’eau potable, apprendre à nager, et enfin explorer le monde sous-marin.”

HANLI PRINSLOO, FONDATRICE ET PDG DE LA FONDATION I AM WATER
En 2010, Hanli Prinsloo avait déjà battu tous les records d’apnée libre d’Afrique du Sud. Plonger le long d’une corde à différentes profondeurs perdait peu à peu de son attrait. L’océan avait tellement plus à offrir. Consciente de sa capacité à s’enfoncer dans les profondeurs marines à plus de 65 mètres, Hanli s’est mis en tête de partir à la rencontre des baleines, des dauphins, des phoques, des requins et autres créatures aquatiques. Autant d’expériences qui ont nourri son envie de protéger les océans et de partager son lien si particulier avec le monde sous-marin.

Quelques mois plus tard, I AM WATER voyait le jour avec une mission : comprendre l’interdépendance entre les humains et les océans tout en influençant les comportements pour protéger nos mers. Hanli a d’abord travaillé avec des jeunes de sa ville natale, Le Cap. Malgré leur proximité avec l’océan, la plupart de ces enfants n’avaient aucune idée de la richesse et des enjeux du monde sous-marin. Le programme s’est petit à petit étendu aux villes côtières d’Afrique du Sud, à l’instar de Durban. Aujourd’hui, Hanli peut se vanter d’avoir tissé un lien étroit entre plus de 1300 jeunes et l’océan. Tous sont désormais conscients de l’existence des phoques et des algues qui constituent leur écosystème côtier. Le mouvement I AM WATER, lui, n’a cessé de croître. Sa fondatrice s’est entourée d’une équipe, qui propose des expériences océaniques à travers la planète.

Entretien Avec Hanli

COMMENT DÉFINIRIEZ-VOUS LE MOT “ENGAGEMENT”?

Pour moi, l’engagement est un savant mélange de passion et de courage. Dans un monde où le profit n’a pas sa place, on ne retrouve aucune récompense habituellement associée au succès, comme l’argent ou la célébrité. Mais lorsque vous êtes profondément motivé par un objectif plus grand que vous – dans mon cas, la sauvegarde et la valorisation de nos océans – alors, à force de courage et de passion, vous pouvez réussir !

VOUS ÊTES ENGAGÉE POUR LA SAUVEGARDE DES OCÉANS EN AFRIQUE DU SUD AVEC DE I AM WATER DEPUIS HUIT ANS MAINTENANT. POUVEZ-VOUS NOUS EN DIRE PLUS SUR VOTRE ENGAGEMENT? POURQUOI AVOIR CHOISI CETTE CAUSE PARTICULIÈRE?

J’ai fondé I AM WATER en 2010 avec le désir ardent de voir davantage de mes compatriotes sud-africains se familiariser avec notre monde marin si fascinant. Je suis convaincue que nous protégeons ce que nous aimons. Paradoxalement, seule une minorité de Sud-Africains a accès à l’océan et à ses richesses. Comment attendre d’eux qu’ils cherchent à le sauvegarder si on ne leur donne jamais la chance de l’explorer et de l’aimer?

QUI EST LE PLUS IMPACTÉ PAR VOTRE ENGAGEMENT, ET COMMENT MESUREZ-VOUS CET IMPACT?

En Afrique du Sud, l’accès à l’océan et le fait de savoir nager dépendent beaucoup de votre couleur de peau. Les Sud-Africains blancs sont habitués aux piscines et aux plages dès le plus jeune âge. Ils fréquentent des écoles de natation, quand ce ne sont pas des membres de leur famille qui leur apprennent à nager. La plupart des Sud-Africains noirs, eux, ont un accès très limité à l’océan. Ils éprouvent également une peur de l’eau très répandue dans ces communautés. Dans nos ateliers Ocean Guardians, nous travaillons avec des jeunes issus de quartiers défavorisés qui vivent à moins de cinq kilomètres de la plage mais qui n’ont pourtant jamais pris conscience de ce que l’océan avait à offrir. Nous organisons des ateliers éducatifs pour les sensibiliser au monde marin. Pendant deux jours, ces jeunes explorent les côtes rocheuses. Ils découvrent leur respiration, comprennent comment leur organisme s’adapte naturellement à l’eau et, (évidemment !) plongent en apnée. Ma plus grande récompense est de les voir ouvrir les yeux sous l’eau pour la première fois. Notre impact se mesure à la fois grâce au nombre de jeunes qui participent à nos ateliers, mais également à travers les effets de ces ateliers sur eux.

VOUS ÊTES APNÉISTE, ACTIVISTE ET ENTREPRENEURE SOCIALE. QUELS EFFETS VOTRE ENGAGEMENT A-T-IL SUR VOTRE CARRIÈRE?

J’ai construit ma carrière en partant de ce qui me tient le plus à coeur dans la vie. Vous ne trouverez pas de cursus pré-établi pour suivre mes pas à l’université. Tout part de mon engagement indéfectible envers l’océan : c’est ce qui a façonné mes talents et mes compétences pour avoir un impact aussi lourd que possible.

EN TANT QUE FEMME, COMMENT VOTRE ENGAGEMENT IMPACTE-T-IL VOTRE VIE PERSONNELLE?

J’ai toujours fait passer ma passion et mon travail en premier – je n’ai pensé à construire une famille que tardivement. Cette question mise à part, je ne pense pas que le fait d’être une femme ait eu un effet significatif sur la façon dont j’ai choisi de vivre.

QUEL EST SON EFFET SUR VOTRE TRAVAIL AU QUOTIDIEN?

Je peux passer des semaines sur des îles isolées à plonger en apnée, de longues journées à la plage pour aider les enfants à surmonter leurs peurs, des soirées perchée sur des talons hauts lors d’événements importants… Les jours se suivent et ne se ressemblent pas ! J’adore cette diversité. C’est un défi de se demander chaque matin si je ne peux pas faire plus ce que je m’apprête à faire aujourd’hui.

OÙ VOUS VOYEZ-VOUS DANS DIX ANS?

J’aimerais que I AM WATER soit une organisation stable et fermement ancrée, avec une équipe de direction solide, pour pouvoir avoir un impact à travers le monde. Je rêve d’écrire enfin noir sur blanc toutes les idées que je voudrais réunir dans ce livre que je n’ai jamais le temps d’écrire, et j’espère pouvoir passer encore de nombreux jours dans et sous l’eau.

QUELLE TRACE VOULEZ-VOUS LAISSER AVEC I AM WATER?

J’espère jouer un rôle considérable dans la sauvegarde de nos océans, tant via I AM WATER qu’en multipliant les opérations de sensibilisation. Je veux qu’on se souvienne de moi comme d’une personne qui a vécu et respiré l’océan.